burn-out maternel

Depuis plusieurs années, on parle de burn-out maternel pour désigner un état d’épuisement lié à la surcharge psychique qu’implique la vie de parents.

Longtemps passée sous silence, cette souffrance ne concerne pas uniquement les mères et peut aussi concerner les pères (on parlera alors de burn-out paternel).

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Un syndrome d’épuisement familial

Le burn-out maternel peut être définit comme un syndrome d’épuisement familial, qui entraîne une souffrance psychologique ou physiologique.

Le burn-out maternel est d’abord lié à des facteurs externes (vie familiale mais aussi vie professionnelle, facteurs divers de stress, etc.) qui vont entraîner une surcharge mentale et un stress dont les conséquences vont être progressives.

Le burn-out maternel peut avoir des conséquences sur la santé et le bien-être des mères et avoir des répercussions importantes sur leur vie de famille.

Burn-out maternel ou dépression maternelle?

Traditionnellement, on parlait, pour décrire certaines formes de souffrance parentale, de dépression maternelle. On insiste alors plus sur la notion de manque (manque d’énergie, fatigue). L’attention des soignants se portait sur des états émotionnels internes (tristesse, culpabilité, etc.).

Lorsque l’on parle de burn-out maternel, le regard posé sur la souffrance parentale n’est plus tout à fait le même. On insiste plus sur la notion d’excès (surcharge mentale, stress) et sur des causes externes (pression sociale, accélération de la vie moderne, manque de soutien ou de relais). C’est l’environnement qui cause une souffrance ou un épuisement car le parent fait trop d’effort pour s’y adapter.

La tentative d’être performant dans tous les domaines (professionnels, familiaux, sociaux) et des idéaux élevés (vouloir être une « bonne mère ») vont consumer l’énergie du parent. D’ailleurs, le mot de « burn-out » renvoie à une chaleur excessive. A la fin, il se sentira épuisé, en colère et se vivra en échec dans sa vie de famille.

Les parents en état de burn-out parental expriment souvent leur chagrin et leur déception devant l’évolution de leur vie familiale, comme si l’amour qu’ils avaient apporté à leurs enfants, ne suffisait plus pour éviter leurs débordements et leurs comportements hostiles. De telles dépressions parentales sont liées à la sensation de perte d’un enfant qu’ils croyaient connaître et dont ils ont le sentiment qu’il leur échappe peu à peu.

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N’hésitez pas à lire également l’article sur le Baby blues

burn-out: une mère déprimée

Du burn-out professionnel au burn-out parental

La notion de burn-out est issue du monde du travail. Mais les parents peuvent également être touchés par ce syndrome d’épuisement. En effet, ils sont de plus en plus nombreux à consulter pour dépression parentale. Débordés par leur difficultés à donner un cadre à leurs enfants ou par l’accumulation des tâches de la vie quotidienne, ils se dépriment peu à peu ou rêvent de fuir le plus loin possible.

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Le burn-out professionnel

La notion de burn-out a d’abord été théorisée pour rendre compte de l’augmentation des phénomènes d’épuisement professionnel.

Les psychologue et théoriciens qui se sont penchés sur cette question ont peu à peu souligné le rôle de nouvelles d’organisation du travail. Des exigences trop élevées et confusionnantes produisaient des symptômes psychologiques spécifiques (voir à ce propos les travaux de Christophe Dejours). Comme l’explique Vincent de Gaulejac, sociologue et professeur émérite à l’université Paris V : «Depuis les années 1980, de nouvelles formes de management, qui mettent les salariés sous tension; se sont généralisées. Pour résumer tous passe par des objectifs, le plus souvent chiffrés, à réaliser en un temps donné. Les conséquences, on les connaît tous, elle sont aujourd’hui désignée comme ça: maladies psychologiques ou sociales, épuisement professionnel ou… burn out.»

Si cette notion a été reprise pour décrire des phénomènes d’épuisement parental, c’est que les représentations, les attentes et les idéaux qui sous-tendent ces troubles sont assez proches. Vincent de Gaulejac fait ainsi le lien entre les normes de performance qui régissent l’entreprise et celle de la famille :

«Cela fait trente ans que je travaille sur l’épuisement professionnel et je constate aujourd’hui que les normes managériales ont pénétrée la famille. C’est en vérité un modèle social qui s’impose dans toutes les sphères de la société: il faudrait être performant dans tous les domaines. C’est la nouvelle norme ».

« Le mercredi devient le jour le plus horrible de la semaine: il faut assurer l’accompagnement aux activités extra scolaires (sport, musique, activités artistiques, les cours particuliers, le soutien scolaire). Mais pourquoi court-on autant sinon pour satisfaire une exigence sociale? Car on se sent coupable dès que l’enfant ne réussit pas – ou de ne pas tout faire pour qu’il réussisse et ce dans tous les domaines. Et donc les parents deviennent comme ces employés soumis au management par objectif et à l’évaluation standardisés… il perdent le sens de leur éducation!»

(voir l’article de Slate).

Burn-out parental et pression sociale

En faire toujours plus

Pourquoi une telle course à la performance ? Il est difficile de donner une réponse définitive à cette question. On peut toutefois penser qu’il ne s’agit pas là d’une simple évolution des valeurs des parents mais plus généralement d’une évolution des représentations. Ainsi, dans les séries télévisées, dans les magazines, dans les conseils « d’experts » (y compris malheureusement certains conseils de psychologues), on constate au cours de ces trente dernières années une augmentation des exigences, des attentes. Les parents sont soumis à des discours contradictoires portant sur ce que doit être un « bon parent ».

Cette accroissement des attentes, a été souligné par de nombreux théoriciens, sociologues, psychologues. Pour ne prendre qu’un exemple, le philosophe Fabrice Midal pointe le lien entre idéaux sociétaux et burn-out parental :

«Partout on doit faire mieux et plus. Comme si le mantra de notre société était « Ça ne sera jamais assez ». Au travail comme avec les enfants, le burn-out est la maladie de ceux qui veulent répondre à cette exigence de la société, l’idée qu’il faut se sacrifier. Ils veulent tellement bien faire qu’ils n’écoutent plus ce qu’ils vivent ni ce qu’ils ressentent. C’est de la maltraitance envers soi-même, une instrumentalisation de soi. Les gens qui font un burn-out sont mus par les meilleurs sentiments. Mais souvent ils s’entendent dire, en plus, que c’est leur faute : ils n’avaient qu’à mieux contrôler leurs affects. Alors qu’ils n’ont fait qu’introjecter la pression de la société.»

(cf.interview)

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De la culpabilité à la performance

Cette augmentation des exigences et attentes sociales a été théorisée, il y a plus de cinquante déjà. Pour le dire rapidement, une société basée sur la culpabilité et la peur d’être mauvais cédait le pas progressivement à une société basée sur la honte (voir les notions de Surmoi et d’Idéal du Moi). Pour le dire de manière caricaturale, le but était moins d’être « bien » que d’être « performant ». Alain Ehrenberg a ainsi décrit la transformation des normes sociales où la disparition progressive des règles morales et des contraintes externes a cédé la place à une société valorisant la responsabilité et l’initiative individuelles. Une exigence plus subtile apparaît : celle de se réaliser et d’être artisan de son propre bonheur. Comme l’explique le psychologue Olivier Delroeux : « En réponse au degré élevé de performance demandé, apparaît une « pathologie de l’action »: le « déprimé » se dit sans énergie, non performant et inhibé dans son travail et ses rapports à autrui, plus qu’accablé »

(Delroeux Olivier, « La thérapie brève de Palo Alto : l’approche interactionnelle des situations dépressives », Thérapie Familiale, 2008/4 (Vol. 29), p. 513-534)

les mamans calmes

Dans son sketch sur « Les mamans calmes », l’humoriste Forence Foresti évoque la difficulté des mères à correspondre aux idéaux trop élevés de nos sociétés modernes.

8% des parents seraient concernés

Si le burn-out parental est encore peu médiatisé, il concernerait de nombreux parents. Selon Moïra Mikolajczak, auteur du livre Le burn-out parental, l’éviter et s’en sortir

  • 5 % des parents souffrent de burn-out parental 
  • 8 % sont des sujets à risques élevés, c’est-à-dire qu’ils sont fortement susceptibles de basculer dans un état d’épuisement avancé.

D’après une étude réalisée en 2013 par le site Maman travaille:

  • 63 % des mères qui ont une activité professionnelle sont épuisées
  • 19 % prennent au moins une fois par semaine des médicaments, vitamines ou calmant

Ces chiffres, s’ils ne constituent pas des statistiques officielles, témoignent néanmoins d’un malaise générationnel. Le manque de soutien familiaux, un monde du travail plus précaire, des horaires décalés et plus généralement un monde en perpétuelle accélération mettent en difficulté de nombreux parents.

Les 3 phases du burn-out maternel

le burn-out maternel ou parental se met en place petit à petit. Quand on revient sur l’histoire de cette souffrance, on se rend compte que les symptômes se sont installés très progressivement. On distingue ainsi classiquement trois étapes du burn-out parental :

      • 1ère étape : l’épuisement émotionnel

La première étape du burn-out maternel correspond à ce que l’on appelle l’épuisement émotionnel. Pour le dire avec une métaphore, on peut imaginer que chaque personne a, en lui, une certaine quantité d’énergie. Cette réserve d’énergie physique et psychique n’est pas inépuisable. La tâches domestiques et les responsabilités liées à la vie quotidienne des parents (le plus souvent des mères) usent petit à petit ce capital énergétique.

Le parent va alors se sentir vidé de ses ressources. Il craque, devient irritable épuisé ou déprimé. Le matin, le simple fait de penser à tout ce qui l’attend dans la journée lui donne la sensation de couler d’entrée de jeu.

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      • 2ème étape : mise en place progressive d’une distance

Le deuxième moment lors d’un burn-out correspond à une phase de détachement.

Dans son livre autobiographique intitulé Mère épuisée, Stéphanie Allénou décrit très bien ce sentiment de détachement, de distance émotionnelle d’avec ses enfants et le reste du monde. « Petit à petit, écrit-elle, je sens que, de plus en plus, les choses glissent sur moi. Certains réflexes tendent à disparaitre. Je suis parfois comme indifférente à ce qui peut arriver à mes enfants. ».

Pour se protéger et économiser le peu d’énergie qu’il lui reste, la mère met en place des mécanismes de défense. Elle continue d’accomplir mécaniquement les tâches du quotidien. Mais émotionnellement, elle devient de plus en distante et froide afin de ne plus se sentir submergée. Les mères parlent alors de leur impression d’être très loin de leurs enfants, de leur mari et de quotidien.

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      • 3ème étape : le reniement

Dernière phase du burn-out, elle est certainement la plus préoccupante. Le parent prend conscience du fossé qui se creuse entre l’idée qu’il se faisait de la parentalité et la réalité de son quotidien assombri par une hypersensibilité à tout ce qui ne fonctionne pas. Pour les mères, « tous les rêves de super maman s’effondrent. Elles se sentent en situation d’échec personnel. »  De nombreux symptômes témoignent de ce mal être : perte de confiance, repli sur soi, crises de colère récurrentes. Ils peuvent aboutir à des comportements agressifs envers les enfants.

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Qui sont les personnes les plus vulnérables?

Pour Violaine Guéritault, spécialiste du burn-out maternel et auteure de la fatigue émotionnelle et physique des mères:

« bien que toutes les mères soient susceptibles de faire l’expérience du burn-out maternel, certaines mères sont plus vulnérables que d’autres :
1/ Les mamans solos : elles sont en tête de liste, car elles sont seules pour tout assumer. Elles n’ont jamais aucun répit et se retrouvent seules à gérer le quotidien quels que soient les problèmes qu’elles rencontrent. Les soucis financiers sont très souvent un énorme problème qui vient rajouter au stress quotidien.

2/ Les mères qui ont peu de soutien social : même si elles ne sont pas mamans solos, les mères qui bénéficient de peu de soutien social sont très isolées et n’ont que très peu d’opportunités de recharger leurs batteries ou même de se faire aider au quotidien. »

 

Les symptômes du burn-out parental

Même si les causes sont très différentes, les symptômes du burn-out sont sensiblement similaires à ceux du burn-out professionnel. On relève classiquement :

 

  • sentiment d’épuisement
  • troubles du sommeil
  • plaintes somatiques (maux de tête, maux de ventre, douleurs dorsales)
  • pessimisme, difficulté à envisager l’avenir
  • mauvaise image de soi
  • colère, irritabilité
  • repli sur soi
  • addictions (drogues, alcool).

Conséquences

Les conséquences du burn-out parental ne sont pas à prendre à la légère et sont nombreuses. Le burn-out parental peut entraîner :

  • Des troubles physiologiques :maux de tête, nausées, vertiges, troubles du sommeil
  • Des symptômes cognitifs et émotionnels : sentiment d’impuissance, hypersensibilité, pessimisme, dépression
  • Des troubles du comportement :repli sur soi, irritabilité, colère, violence.

Une émission sur le burn-out parental

La psychologue Moïra Mikolajczak répond aux questions des journalistes et des spectateurs de La Maison des maternelles. Elle décrit le burn-out parental et donne quelques pistes afin de mieux s’en prémunir.

Consulter un psychologue sur Paris

Si vous pensez souffrir de burn-out parental il peut être important de demander conseil à un professionnel. En effet, il est parfois difficile de se rendre compte de son propre état d’épuisement.

Le burn-out est très lié à la volonté de continuer à vouloir aller de l’avant alors qu’il serait important de prendre du recul et de faire le point sur la situation. Il est donc important de ne pas rester seul avec sa souffrance et sa culpabilité en en parlant à ses proches, à son médecin de famille ou à un psychologue.

Si vous habitez à Paris ou en île de France, nous pouvons vous recevoir que ce soit pour une consultation ou pour entamer un psychothérapie.

Sources et bibliographie:

-Articles

  • Bydlowski, Monique. « La crise parentale de la première naissance. L’apport de la psychopathologie », Informations sociales, vol. 132, no. 4, 2006, pp. 64-75.
  • Lebert-Charron, Astrid, et al. « Le syndrome de burnout ou d’épuisement maternel : une revue critique de la question », La psychiatrie de l’enfant, vol. vol. 61, no. 2, 2018, pp. 421-441.
  • Verjus, A.,0 Boisson, M. « Le parent et le couple au risque de la parentalité. L’apport des travaux en langue anglaise », Informations sociales, vol. 122, no. 2, 2005, pp. 130-135.

-Ouvrages:

  • Guéritault, V., La fatigue émotionnelle et physique des mères : le burn-out maternel, Odile Jacob,
  • Mikolajczak, M., Roskam, I., Le burnout parental : l’éviter et s’en sortir, Odile Jacob
  • Allenou, S., Mère épuisée : témoignage, Marabout, .

-Chapitres d’ouvrages:

  • Zablocki, B., Uyttendaele, N., et Vanderheyden, J-E,. « Le burn-out privé ou d’origine non professionnelle », , Le burn-out des quinquas, De Boeck Supérieur, 2013, pp. 189-204.