Remarque: Cet article est extrait du mémoire de recherche de Stéphanie Briais, enseignante, intitulé Comment valoriser l’estime de soi chez les élèves et les apprenants ? N’hésitez pas à le consulter pour de plus amples informations sur le sujet.
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Rôle de l’école dans les comparaisons sociales
Le degré de compétition en classe semble intervenir dans la relation entre l’estime de soi et la réussite scolaire (Ecalle, 1998). Dans un environnement compétitif, les élèves sont amenés à se comparer à autrui. Or l’emploi de la comparaison sociale a un impact sur l’estime de soi. Festinger (1954) affirme que lors de comparaisons interpersonnelles, un individu intègre des informations le concernant pour redéfinir son soi.
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D’après Trautwein et Ludtke et al. (2006), les comparaisons sociales sont largement présentes dans les sociétés où un principe méritocratique est proéminent.
Les notes sont des indicateurs de la performance de l’élève et sont publiquement annoncées. Les objectifs que les élèves ont à atteindre sont explicites et leur réussite s’explique par les efforts fournis, elle est ainsi méritée.
Les auto-évaluations d’une personne dans un domaine spécifique comme la scolarité peuvent influencer son estime de soi globale. Par exemple, un élève en difficulté qui obtient une mauvaise note à un devoir pourra chercher à se comparer à quelqu’un présentant de meilleurs résultats scolaires que lui – une comparaison ascendante – afin de se motiver dans le but de s’améliorer.
Cependant, si cette comparaison lui est imposée comme dans les systèmes méritocratiques, alors, soit il considèrera que le domaine n’a pas d’importance à ses yeux, soit il se sentira dévalorisé et cela aura un impact négatif sur son estime de soi scolaire et par conséquent sur son estime de soi globale.
Dans leur étude, Trautwein et al. (2006) ne concluent pas à une préférence entre ce contexte d’apprentissage ou des environnements de type « ego-protective » – valorisant l’intimité, la préservation du soi – pour développer une bonne estime globale ou spécifique de soi. Dans des contextes d’apprentissage « ego-protective », les notes ne sont pas exposées devant tous les élèves et les remarques sont faites de manière privée, les enseignants insistent plus sur les besoins personnels de l’élève. Dans ce contexte, les relations descendantes, où le niveau d’estime de soi dans un domaine spécifique serait influencé par l’estime de soi globale, seraient favorisées.
L’étude de Trautwein et al. (2006), réalisée en Allemagne après la chute du mur de Berlin, et celle de Maintier et Alaphilippe (2007), effectuée en France, montrent l’importance du contexte scolaire et du style éducatif dans la construction de l’estime de soi.
Cette idée est approuvée par Martinot (2005) qui insiste sur le développement des compétences des élèves afin qu’ils croient en leurs capacités leur permettant d’atteindre leurs objectifs et de renforcer leur estime de soi de manière non superficielle.
En France, l’utilisation de notes pour évaluer les élèves incite à la considérer comme un contexte méritocratique. Cependant, la loi d’orientation de 1989 mettait « l’élève au centre du système éducatif », prenant en compte ses besoins individuels, il était alors possible d’imaginer l’importance de la préservation du soi.
A présent avec l’apparition du socle commun des connaissances et des compétences (2005), les textes officiels de l’enseignement français insistent plus particulièrement sur l’appropriation des savoirs fondamentaux, favorisant une relation ascendante dans le renforcement de l’estime de soi.
Mais, les enseignants, ne favorisent pas les comparaisons interindividuelles du fait qu’ils ne pratiquent plus de classements entre les élèves. Il est alors difficile de situer le contexte dans lequel se trouve notre pays. Néanmoins, au retour d’une évaluation, les élèves par curiosité, pour se connaître ou se situer par rapport à la norme vont tout de même utiliser les comparaisons sociales.
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Compétition scolaire: comparaisons et stéréotypes
Pierrehumbert et al. (1988) insistent sur le lien entre le poids du statut scolaire et l’estime de soi. Leurs expériences ont été réalisées en Suisse et les ont amenés à comparer l’estime de soi d’élèves suivant un cursus spécialisé, d’élèves en retard dans le cursus normal et de bons élèves.
Les premiers sont globalement plus satisfaits sur leurs compétences scolaires que les « mauvais élèves » de la filière normale. Ceci s’explique grâce aux comparaisons intra-groupe. Au lieu de s’identifier à des élèves de niveau supérieur, les élèves de cursus spécialisé vont pouvoir se revaloriser par comparaison latérale avec des élèves dans une situation identique à la leur.
Cependant, les élèves en retard dans le cursus normal présentent une meilleure évaluation d’eux-mêmes sur les plans physique et social. Peut-être bénéficient-ils d’un certain prestige dû à leur âge supérieur à celui de la moyenne du groupe.
En 1992, Tamagni et Pierre Humbert continuent leur recherche et trouvent que des élèves en difficulté intégrés à une filière normale mais ayant des aménagements de scolarité présentent une estime de soi inférieure à leurs homologues sans aménagement de scolarité.
D’après la théorie de l’identité sociale (Tajfel &Turner, 1979), l’affiliation à un groupe influence les comportements. Lorsqu’une appartenance groupale est saillante, les individus sont guidés par leur identité sociale et perçoivent plus de ressemblances avec les membres de l’endo-groupe (ceux qui sont « comme eux ») et plus de différences avec ceux de l’exo-groupe (cexu qui sont « différents d’eux »). L’identité sociale, complémentaire à l’identité personnelle, reflète l’appartenance à un groupe car elle contient les attitudes, les comportements et les normes sociales associés à ce groupe.
Ainsi, la simple catégorisation des élèves en difficulté peut mener à la formation de groupe et à une stéréotypisation de ces élèves. Les stéréotypes sont « des croyances partagées à propos de caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais aussi des comportements propres à un groupe de personnes » (Leyens, Yzerbyt et Schadron, 1994, p.129).
Ces élèves en difficulté pourront être perçus par leurs camarades comme « fainéants » ou « non motivés ». Souvent, des explications internes (liée à leur tempérament etc.) leur seront assignées (Delelis et al., 2009).
Ainsi, ces élèves seront tenus pour responsables de leur situation, leur identité sociale sera alors négative, ils penseront qu’ils sont moins « bien » que les autres, et cela entrainera une évolution négative de leur estime d’eux-même.
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