Donald Winnicott. La préoccupation maternelle primaire

Cet article présente la notion de préoccupation maternelle primaire, notion centrale dans l’œuvre de D.Winnicott. Il est inspiré d’un mémoire de fin d’étude d’éducateur spécialisé, rédigé par Alexandra Joly.

Winnicott relation mère enfant: Picasso. Mere et enfant 1921-1922.
Picasso. Mère et enfant 1921-1922.

Qu’est-ce que la préoccupation maternelle primaire?

Donald Winnicott a abordé, dans l’ensemble de ses ouvrages, le thème de l’interaction entre l’individu et l’environnement, principalement avec sa mère.

Dans Le bébé et sa mère[1], D. Winnicott attribue une grande importance à la mère et sa fonction maternante. Il explique les processus qui interviennent au début de la vie du nourrisson et souligne l’unité qui lie le bébé à sa mère dans les premiers mois de sa vie. Le bébé a le sentiment de ne faire qu’un avec sa mère.
La mère a des compétences innées et développe une intuition concernant les besoins et les désirs de son enfant. L’essentiel des pensées maternelles va au confort du nouveau-né. C’est ce que l’auteur appelle « la préoccupation maternelle primaire ». Il s’agit pour la maman de s’adapter à la vie avec un enfant et d’adapter celui-ci au monde nouveau qu’il découvre à travers elle.
Dans leur relation duelle, un processus se met en place : la mère s’identifie à son enfant (en restant adulte) et le bébé s’identifie à sa mère. C’est ce que l’auteur nomme : l’identification primaire. Pour l’auteur, c’est lors de ce moment que tout commence, et que le mot être (ou exister) prend sens.

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Description de la préoccupation maternelle primaire

Dans son article de 1956 intitulé « La préoccupation maternelle primaire » (dans Psychanalyse et Pédiatrie), Donald Winnicott décrit les caractéristiques de ce lien mère enfant. Nous en retiendrons trois points essentiels :

>La PMP : un état des relations mère enfants qui n’avait pas été étudié

Selon Winnicott « juste après la naissance du bébé, nous trouvons chez la mère un état très spécifique, une condition psychologique que l’on pourrait par exemple nommer : préoccupation maternelle primaire par exemple ».

Pour le pédiatre anglais, «  personne n’a encore prêté une attention suffisante à cet état psychiatrique très particulier de la mère »

>Un moment assez court qui a tendance à être oublié par la suite

Pour Donald Winnicott la préoccupation maternelle primaire est une période précise du lien mère enfant :

  • Il s’agit d’une sensibilité particulière de la mère qui se développe peu à peu au cours de la grossesse, en particulier à la fin de celle-ci
  • La préoccupation maternelle primaire dure encore quelques semaines après la naissance de l’enfant
  • Par la suite, les mères auraient, selon Winnicott, tendance à refouler le souvenir de cet état très spécifique.

>La préoccupation maternelle primaire : « une maladie normale »

Pour D.Winnicott, cet état pourrait paraître pathologique s’il n’était pas lié à la naissance du bébé et pourrait être comparé à un état de repli, ou à un état de dissociation au cours duquel un des aspects de la personnalité prend temporairement le dessus.

Cet « maladie normale » caractérisée par une attention extrême au bébé et un certain désintérêt pour soi est pourtant essentiel au développement psychique premier du bébé.

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Holding, handling et object presenting

La mère a également un rôle fondamental concernant l’existence psychosomatique de son bébé. En effet, il ne peut se développer correctement sans la présence d’un être humain qui participe au Holding et au Handling :

  • le Holding ; qui est l’art de porter physiquement et psychiquement le bébé.
  • le Handling ; qui est la manière d’être concrètement en contact avec le bébé, dans les soins très fin du maternage.
  • l’Object Présenting ; qui renvoie à la manière dont la mère propose le monde à l’enfant. C’est la capacité de la mère à mettre à disposition de l’enfant l’objet, pour lui permettre d’avoir l’impression de l’avoir crée.

La mère suffisamment bonne

D. Winnicott ajoute « si on part du principe que la mère est en bonne santé psychique (et que tout se passe bien) elle établit aussi les bases de la force de caractère et de la richesse de la personnalité [2] »

Par la suite, l’enfant pourra progressivement ressentir et affirmer son autonomie, grâce aux processus de maturation dont il a hérité.
La relation privilégiée que le bébé a avec sa mère est donc fondamentale pour son bon développement et processus de maturation.

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L’attention maternelle chez l’enfant plus âgé

L’auteur précise que, même s’il concentre essentiellement son discours sur les bébés et la manière dont les mères s’en occupent, cela n’exclue pas les enfants un peu plus âgés. Ils n’auront pas besoin des soins d’un nouveau-né mais parfois, l’enfant plus grand, redevient bébé pendant quelques minutes ou quelques heures. Par exemple, un enfant tombe, sous le choc il se met à pleurer et se dirige vers sa mère. Celle-ci le prend instinctivement dans ses bras, de façon calme et vivante à la fois, pour le consoler. Puis, une fois les larmes séchées, l’enfant découvre sa mère, qui par la suite le pose à terre tout naturellement.
Cet exemple illustre le fait que l’enfant, même plus âgé, aura toujours besoin du soins et de l’attention que l’on retrouve dans la relation primaire, pour qu’il puisse se sentir en sécurité et continuer à avancer.

Alexandra Joly

1. D. Winnicott, Le bébé et sa mère, Payo, 1992
2. Ibid, p 45

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Pour en savoir plus sur Donald Winnicott:

Une rapide présentation de Winnicott par 60 secondes de PSY, une chaine youtube encore peu connue mais dont la qualité est à souligner:

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nos autres articles sur D.Winnicott:

Mis en page par Vincent Joly

Psychologue à Paris pour enfants et adolescents

La préoccupation maternelle primaire: Sources et bibliographie

-Ouvrages de Winnicott:

La Mère suffisamment bonne, Payot, coll. «Petite Bibliothèque Payot », 2006

Le Bébé et sa mère, Payot, 1992

De la pédiatrie à la psychanalyse (1969), Payot, 1989

L’Enfant et le monde extérieur, Payot, 1988

-Articles sur la préoccupation maternelle primaire

Bydlowski, Monique, et Bernard Golse. « De la transparence psychique à la préoccupation maternelle primaire. Une voie de l’objectalisation », Le Carnet PSY, vol. 63, no. 3, 2001, pp. 30-33.

Girard, Martine. « Le maternel : quel appui pour la séparation ? », Revue française de psychanalyse, vol. vol. 75, no. 5, 2011, pp. 1731-1738.

Reuillard, Pascal. « La préoccupation paternelle… primaire du père suffisamment bon », Le Journal des psychologues, vol. 263, no. 10, 2008, pp. 51-54.

Taly, Véronika, et al. « Le développement de la capacité à être seul chez un enfant observé », La psychiatrie de l’enfant, vol. vol. 56, no. 2, 2013, pp. 585-601.

Yi, Mi-Kyung. « Mère passionnément », Revue française de psychanalyse, vol. vol. 75, no. 5, 2011, pp. 1661-1666.

 

Donald Winnicott. La préoccupation maternelle primaire
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4 thoughts on “Donald Winnicott. La préoccupation maternelle primaire

  • 27 janvier 2010 at 12 h 23 min
    Permalink

    résumé du travail de Winnicott clair et synthétique.
    merci!
    une EJE

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  • 9 mars 2014 at 9 h 22 min
    Permalink

    il peut être intéressant de coupler cette préocup mater primaire à la préocup paternelle primaire, protection et sollicitation progressive des ineter-actions monde extèrieure / dyade.
    Et se souvenir que la traduction faite par D.W. est approximative quand on traduit « enough good » par mère « suffisamment bonne ».
    D’un ancien éduc.

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  • Pingback:Donald Winnicott: Qu’est-ce que le holding ? – Charlotte BERGEROT PALLISCO

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